Carnaval
Texte de Françoise Quer – Présidente de l’association CARESS
Prononcé à l’occasion de notre carnaval 2024 ayant pour thème les 100 ans de le grève des sardinières de Douarnenez
» Je suis une sardinière de pacotille pour le carnaval de Gâvres. Mais la chose est sérieuse car nous commémorons les 100 ans de la grande grève des sardinières de Douarnenez qui réclamaient une augmentation de salaire. Elles gagnaient 16 sous de l’heure (0,80 €), salaires les plus bas de France, travaillaient entre 10 et 72 heures d’affilée et avaient entre 12 et 80 ans !
Entendez-vous claquer leurs sabots ?
Entendez-vous gronder leur colère ?
Durant l’hiver 1924, ces grévistes, en grande majorité des femmes défilent dans les rues de Douarnenez.
Cette grève durera plus de six semaines et eut un retentissement national. Elle fut à l’origine d’une mobilisation qui durera plusieurs mois dans la région. Elle est considérée comme une date importante dans les mouvements sociaux en France. Les sardinières sont rejointes par les marins et occupent les rues de Douarnenez. La ville est bloquée, le conflit est médiatisé.
Depuis 1921 la ville est gérée par une majorité communiste. Le maire Daniel Le Flanchec anar-communiste (borgne, tatoué…) apporte dès le début un soutien public à la révolte !
Entendez-vous claquer leurs sabots ?
Entendez-vous gronder leur colère ?
Le 5 décembre, les manifestants bloquent un convoi qui tente de sortir un chargement de conserve. Les gendarmes répriment les actions des grévistes. Le Flanchec qui s’est interposé est suspendu de ses fonctions.
Le 5 décembre 1924 le journal L’Humanité rend compte de la charge contre les manifestants menée sur ordre du Ministère de l’intérieur dans un article intitulé « Le sang ouvrier ouvrier a coulé à Douarnenez ».
Entendez-vous claquer leurs sabots, gronder leur colère ?
Après moultes négociations, une première victoire et c’est une femme, Madame Quero, patronne sardinière qui accepte de négocier l’augmentation de salaire demandée. Un accord est conclu le 22 décembre et le 23 son usine rouvre ses portes.
Le 19 janvier 1925, des membres du syndicat des usiniers tirent et blessent le maire. Le 6 janvier 1925, les patrons usiniers, devant la menace de procès, cèdent aux demandes des ouvrières.
C’est « l’accord de Douarnenez » qui stipule que désormais le salaire horaire sera de 1 franc pour les femmes, 1 franc 50 pour les hommes… Majoré de 50 % au-delà de 10 heures consécutives et en cas de travail de nuit.
C’est la victoire des sardinières ! Cet accord aura des répercussions sur tout le littoral sardinier.
Revenons à Gâvres.
La plus ancienne presse à sardines gâvraise fut installée à Porh Puns, située dans la batterie avant la construction du fort, elle appartenait à Patern Gourronc, c’était sous le règne de Louis XIV.
Vient ensuite Gabriel Mouger, négociant à Port-Louis sous Louis XVI.
En 1857, on comptabilise 10 presses plus ou moins importantes à Gâvres. Après l’invention de Nicolas Appert au XVIIIème siècle (conservation par stérilisation à la chaleur en vaseclos) les presses disparaissent et sont remplacées par des usines.
À Gâvres, première conserverie en 1850 Delory au Goerem.
Années 30 suivra Bolzer puis Bourgeois qui va construire l’usine de Ban Gâvres.
Reprise en 1951 par Georges Tanter.
Elle fermera définitivement en 1988.
Je vous conseille la lecture du cahier numéro 5 d’art et tradition sur les sardineries.
Le n°5 gâvrais …à l’odeur cruelle, eau de sardines. CHANEL peut aller se rhabiller !
La vie des ouvrières est semblable sur tout le littoral sardinier. Rien que dans le Morbihan on compte 52 conserveries. Mal rémunérées, soumises à l’arbitraire d’un patronat très dur, c’est un travail saisonnier, irrégulier. C’est la sardine qui commande ! À n’importe quelle heure du jour ou de la nuit la sirène retentit, de longues heures de travail dépassant souvent 10 heures, suivies de longues heures d’attente.
Afin de mettre fin aux discussions et bavardage entre ouvrières, la chanson est encouragée. Cette pratique semble avoir duré longtemps et elle a disparu avec la mécanisation.
Après l’accord de Douarnenez, la condition des ouvrières a changé. Il s’ensuit une limitation plus réglementaire des horaires de travail.
Plusieurs générations de sardinières, quelques noms résonnent encore :
Angèle Lescouët
Marie-Ange Gallo
Marie le Bihan
Marie Jeannot
Cécile David
Lucienne Padellec
Germaine Daniel
Mimi Gerlain
Jeanne Vailly etc.
Merci à toutes ces femmes, ces hommes de Douarnenez, de Gâvres et d’ailleurs d’avoir ouvert le chemin.
Entendez-vous claquer leurs sabots ?
Entendez-vous gronder leur nouvelle colère ?
SAMEDI 24 FEVRIER
Venez vivre avec nous le carnaval 2024 à Gâvres ! Thème libre
Carnaval organisé par l’association CARESS Gâvres
👉 Rdv à l’embarcadère de Gâvres
14h – Départ du défilé avec la fanfare Kig Ha Fanfarz
👉 A Maison Glaz
18h : Concert Harisson Swing – Chanson française teintée de jazz manouche
20h : DJ Carlo – Tropical sound
Entrée libre et gratuite
Repas & Bar sur place
Avec le soutien de la Biocoop